Música

La Libye, une oasis où coulaient reggae, funk et disco – RFI






Le groupe libyen The Free Music.

© Habibi Funk

À travers quelques compilations remarquables, tout un pan de la musique libyenne se dévoile, mettant à l’honneur des artistes qui ont façonné la scène locale ou exporté leur savoir-faire au cours des dernières décennies, dans une diversité de registres insoupçonnée.

Tout à coup, une porte s’ouvre sur un monde encore largement méconnu. L’image pourrait être une simple métaphore du travail effectué depuis quelques années par Jannis Stürtz et son label Habibi Funk pour donner plus de visibilité à des artistes dont la notoriété restait jusque-là essentiellement limitée à la Libye, à l’exception notable d’Hamid El Shaeri. Mais c’est aussi au sens propre ce qu’a vécu cet Allemand devenu une référence dans le monde des diggers, ces chercheurs de trésors musicaux, au moment où il est entré, il y a quelques années, dans les locaux désaffectés d’une société de duplication de cassettes, en Tunisie, à l’invitation de l’ancien patron des lieux.

“Quand on a mis la lumière dans la pièce, on a vu qu’il y avait des étagères du sol au plafond. Elles étaient pleines de vieilles cassettes issues du stock qui ne s’était pas vendu avant que le business s’arrête”, raconte-t-il dans le livret qui accompagne The Free Music Vol. 1, réunissant neuf titres d’un groupe libyen découvert dans ces circonstances. S’il est tombé instantanément sous le charme du répertoire de cette formation, “imprégné clairement et de façon égale par la soul, le disco et le reggae”, encore fallait-il remonter une piste incertaine pour en trouver les membres avant d’envisager offrir à ces chansons une nouvelle vie ! Avec des difficultés supplémentaires liées à la situation qui prévaut en Libye, lesquelles ont ralenti l’entreprise, mais lui donnent une valeur spécifique.

L’histoire de The Free Music est en grande partie celle de son chanteur et leader Najib Al Housh, né au début des années 50, animé par l’envie de faire bouger les lignes de la musique libyenne en y apportant des influences occidentales, avec force cuivres et sonorités funk, comme on l’entend dans ces morceaux datant de 1976-77 (au total, le groupe compte une dizaine d’albums). Quitte à prendre des risques en s’opposant par ces arrangements et instruments au raisonnement nationaliste de Mouammar Kadhafi après son arrivée au pouvoir en 1969, ce qui se traduira en l’occurrence par deux années de prison pour le chanteur, contraint par la suite de consacrer un album à l’homme fort de Tripoli (destitué en 2011) en le couvrant de louanges !

Isolement du pays, musique inconnue en dehors des frontières

“Le fait que la musique libyenne soit peu connue à l’extérieur est en grande partie dû à l’isolement politique du pays”, souligne Jannis Stürtz, qui y voit une différence majeure avec les autres pays d’Afrique du Nord. “Quelqu’un qui s’intéresse aux musiques non européennes connait le raï des années 80 ou 90 ou encore les disques de Mohamed Mounir en Égypte qui sont sortis sur le marché européen, mais cela n’est pas arrivé pour la musique libyenne, hormis pour les rares artistes qui ont quitté leur pays pour faire carrière”, poursuit-il, citant Hamid El Shaeri auquel son label a consacré un projet.

The SLAM ! Years : 1983-1988 se focalise sur une période au cours de laquelle ce chanteur multi-instrumentiste, fan de synthétiseurs, posait ses premiers jalons au Caire, après avoir débuté en Libye dans un groupe qui se produisait régulièrement à Benghazi. Devenu au fil des décennies un acteur central de la scène musicale égyptienne sur laquelle son ascension s’est faite notamment en multipliant les collaborations dans l’ombre, au point de se fondre dans le paysage local, le sexagénaire n’hésite pas à rappeler encore aujourd’hui ses origines libyennes.

Ses chansons sélectionnées ici et enregistrées il y a près de quarante ans, qui portent déjà pour certaines sa signature vocale à l’image de Dari Demou’ek, n’avaient rencontré à l’époque qu’un succès relatif, même si Weyn Ayamak Weyn a toutefois laissé des traces dans la mémoire de ses contemporains.


 

Le reggae aussi !

Dans un registre très différent, Ibrahim Hesnawi (aussi orthographié El Hasnawi et souvent référencé ainsi) représente une tendance que Jannis Stürtz n’imaginait pas aussi vivante et populaire en Libye : le reggae ! La compilation intitulée The Father of Libyan Reggae puise dans une partie du vaste répertoire de cet artiste.

Son rôle pionnier dans la promotion de la musique jamaïcaine remonte aux années 70, après être tombé sur un disque Bob Marley, dont il a contribué à faire connaitre les œuvres en les adaptant – encore récemment sur No To War. Au-delà de la musique, le quasi-septuagénaire revendique une proximité avec les causes défendues par l’auteur de Get Up Stand Up, comme on l’entend sur Watany Al Kabir, exhortant la “grande nation” à “se réveiller”. Pas très éloigné du discours du Guide de la révolution Kadhafi, dont il ne cache pas avoir bénéficié du soutien.

Loin de s’éteindre ou tout au moins de diminuer fortement comme ce fut le cas dans de nombreux pays, la flamme du reggae allumée par Ibrahim Hesnawi n’a jamais faibli en Libye, note Jannis Stürtz. En témoigne l’album d’Ahmed Ben Ali. Composé de morceaux plus ou moins récents qui reflètent un mariage aussi inventif et qu’harmonieux entre la culture locale et celle des Caraïbes, il est intitulé Subhana, en référence à la chanson du même nom, doublement inspirée : d’un côté, les mots du poète Abdelkader Bouhedma ; de l’autre, l’ossature (“riddim”, selon le jargon reggae) de Revolution, un classique interprété par de nombreux Jamaïcains. La mondialisation au service de la créativité ? Sans doute peut-on y voir en arrière-plan l’un des enseignements les plus réjouissants de ces compilations, autant de fruits aux saveurs inattendues partagés désormais avec le plus grand nombre.

Bandcamp Habibi Funk / YouTube 

The Free Music Vol. 1 (Habibi Funk) 2023
Hamid El Shaeri The SLAM ! Years : 1983-1988 (Habibi Funk) 2022
Ibrahim Hesnawi The Father of Libyan Reggae (Habibi Funk) 2023
Ahmed Ben Ali Subhana (Habibi Funk) 2023



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Marc Valldeperez

Soy el administrador de marcahora.xyz y también un redactor deportivo. Apasionado por el deporte y su historia. Fanático de todas las disciplinas, especialmente el fútbol, el boxeo y las MMA. Encargado de escribir previas de muchos deportes, como boxeo, fútbol, NBA, deportes de motor y otros.

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